20 Juil 2021 à 22:41
21 Juil 2021 à 21:40
03 Aoû 2021 à 19:51
03 Aoû 2021 à 20:14
03 Aoû 2021 à 20:19
03 Aoû 2021 à 20:54
03 Aoû 2021 à 21:14
03 Aoû 2021 à 21:38
03 Aoû 2021 à 21:50
04 Aoû 2021 à 10:16
31 Aoû 2021 à 21:47
gillougillou a écrit:Ça fait rêver.
31 Aoû 2021 à 22:34
La chambre à coucher du XIXe siècle est l’antre aux Mystères. De nuit, la cire des bougies,
l’huile des lampes l’éclairent de leurs flammes qui vibrent et vacillent comme la vie elle-même, et
n’atteignent pas plus les recoins d’ombre que la lueur de notre cerveau n’élucide tout l’inconnu et tout
l’inexpliqué. Des vitres tendues de tulle et drapées de velours ne laissent que parcimonieusement
entrer la lumière du jour, et pas du tout les brises et les senteurs nocturnes : l’usage anglais d’ouvrir de
nuit les fenêtres est considéré comme malsain, et l’est peut-être dans ces régions humides pour des
bronches fragiles ; Arthur et Mathilde dorment calfeutrés dans leur chambre à haut plafond comme leurs
ancêtres dans leurs huttes surbaissées. Des substances vivantes, ou qui l’ont été, la rembourrent : la
vraie laine, la vraie soie, le crin qui rend les fauteuils résilients aux fesses humaines. Ses bassins et ses
seaux contiennent « les eaux », comme disent tout court les femmes de chambre ; les exsudations et
les résidus de la peau, les graisses animales du savon y flottent ou s’y déposent. Les discrètes tables
de nuit d’acajou recèlent jusqu’au matin les urines colorées ou pâles, claires ou troubles ; sur leur
tablette trône le flacon de fleur d’oranger. Des parcelles humaines, dents enfantines serties dans des
bagues, boucles de cheveux dans des médaillons, passent la nuit dans des vide-poches. Des bibelots,
cadeaux et « souvenirs », encombrent les étagères, concrétisent des bouts de vie passée, fleurs
séchées, presse-papiers achetés en Suisse où se déclenche à volonté une tempête de neige,
coquillages ramassés un jour d’été sur une plage d’Ostende, et où continue, dit-on, à gronder la mer.
L’eau propre du pot à eau, les bûches prêtes pour la flambée du soir y maintiennent des présences
élémentaires ; l’eau et le brin de buis du bénitier y mettent le sacré ; on sait que cette commode au
ventre rond, recouverte d’une nappe blanche, servira d’autel à l’heure de l’extrême-onction. Le lit si bien
bordé a connu le sang des déflorations et des accouchements et la sueur des agonies, la mode des
voyages de noces étant de date récente, et celle d’aller naître et mourir à l’hôpital ou à la clinique
encore à venir. Il n’est pas surprenant que l’atmosphère surchargée de cette pièce soit favorable aux
fantômes.
Souvenirs Pieux (1974)
01 Sep 2021 à 00:48
01 Sep 2021 à 10:59
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AJMARS » 03 Aoû 2021, 20:19 a écrit:Très belle série Jérôme, ça me rappelle un petit hôtel ou on allait parfois, passer une semaine de vacances...
Très belle ambiance.
A plus
André