20 Mar 2021 à 22:06
20 Mar 2021 à 22:30
20 Mar 2021 à 23:21
« (…) parvenir au cœur de l’œuvre, dans toute sa pureté, sans les parasites physiques et sociaux d’une écoute en salle »
21 Mar 2021 à 11:11
Murr » 20 Mar 2021, 22:06 a écrit:Bonsoir,
Dans son billet d’humeur de février/mars dans Haute Fidélité, Thierry Soveaux évoque (p. 88) un article d’ Adorno dans lequel celui-ci, s’opposant à Walter Benjamin (pour qui la reproduction technique d’une œuvre d’art entraîne la perte de son aura) situe « le moment de vérité de l’œuvre dans sa reproduction (…) l’écoute de la musique enregistrée permet[tant] de parvenir au cœur de l’œuvre, dans toute sa pureté, sans les parasites physiques et sociaux d’une écoute en salle ». Point de vue intéressant qui, hors une petite poignée de concerts, rejoint ma propre expérience…
Est-ce que quelqu’un connaît le nom de l’article en question ?
21 Mar 2021 à 12:00
22 Mar 2021 à 13:11
habermas » 20 Mar 2021 à 22:30 a écrit:Ses billets d'humeurs et articles de journaux ainsi que divers écrits sont parus dans la collection de ses écrits musicaux. Pour savoir précisément, il faudrait tous les feuilleter, mais intuitivement, je miserai sur son premier tome, son volume 2 traitant de sujet plus abstraits.
Mais attention au contresens, cette "citation" paraphrasée va quand-même au contraire de la pensée de fond d'Adorno sur la musique.
22 Mar 2021 à 13:41
castellu » Hier à 11:11 a écrit:
Salut :wink:
très belles réflexions de Thierry en effet.
Il faisait allusion aussi à Glenn Gould qui avait stoppé les concerts pour se consacrer à son œuvre enregistrée. Le problème est surtout de définir ce qu'est "le moment de vérité" de l'œuvre : est-ce qu'il n'est pas contenu tout simplement en elle ?
Car celle-ci existait bien avant sa reproduction, et pour la dévoiler, dans le domaine musical, cela passait par le concert (représentation privée dans le cercle Royal, ou public par la suite). Plus généralement, une œuvre existe vraiment que quand elle est partagée, approuvée et admirée par le regard ou l'écoute de l'autre. Certes, l'acceptation sociale détermine ce statut suprême dans nos sociétés, il suffit de rappeler que personne ne voulait acheter un Van Gogh à son époque, si ce n'est son frère.
D'autre part dans ce "moment de vérité" de l'œuvre, qu'advient-il de sa forme (tonale et spectrale) ? La reproduction d'un Stradivarius est-elle égale ou même supérieure à son écoute en direct ? À moins que cette vérité se trouve ailleurs, mais où ?
Pierre Boulez aimait à rappeler dans les années 80 qu'il se contentait d'un walkman pour apprécier les opéras, minimisant la reproduction de l'œuvre dans l'accès à son essence.
Mais dans l'évolution de l'art contemporain, un rapprochement s'est opéré plus étroitement entre le contenu et la forme, pour aboutir à un "art concret", mêlant plus intimement l'œuvre et sa représentation (là je vais faire plaisir à PP), où finalement le lieu et le moment étaient intimement liés à l'existence même de l'œuvre (art conceptuel, happenings, improvisations, ...).
Personnellement je crois que la vérité de l'œuvre musicale existe bien, se situant dans l'intention profonde de l'artiste, qui a quelque chose à nous communiquer, une part de lui à faire partager, qui n'est pas anodine mais presque vitale et commun à l'humanité, qui peut donc le recevoir. Sa reproduction apporte un autre éclairage, différent, plus intime dans son chez-soi, plus appuyé dans le détail grâce à la captation des micros dans une salle donnée qui en font autre chose, tout comme est différente à chaque fois la représentation de l'œuvre selon les variantes spatio-temporelles du moment. D'une perception publique et sociale, elle devient intime et privée, que l'on peut s'approprier.
Avec la technologie, le médium devient le message, créant une autre réalité se superposant à l'œuvre, qui peut la régénérer ou l'épuiser. Car la supériorité absolue du concert, c'est de nous faire sentir le caractère unique de l'œuvre, qui s'exprimera dans un lieu et un temps qui ne seront plus jamais là. Chaque représentation publique est une renaissance de l'œuvre, que l'on peut ensuite capter pour en savourer le souvenir.
B r u n o