Deux grands du piano s'en sont allés de concert...
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Deux grands du piano s'en sont allés de concert...
#1 par Nicodimdom » 20 Avr 2022 à 02:21
Partis bercer les anges de leur musique...
Nicholas Angelich, albatros baudelairien sur terre, « prince des nuées » au ciel du clavier dixit Le Monde.
https://www.lemonde.fr/culture/article/ ... _3246.html
et Radu Lupu, aquarelliste à l’élégance impalpable... qui faisait partie de cette race de géants discrets (Le Monde, très Baudelairien encore).
https://www.lemonde.fr/culture/article/ ... %20maladie.
Nicholas Angelich, albatros baudelairien sur terre, « prince des nuées » au ciel du clavier dixit Le Monde.
https://www.lemonde.fr/culture/article/ ... _3246.html
et Radu Lupu, aquarelliste à l’élégance impalpable... qui faisait partie de cette race de géants discrets (Le Monde, très Baudelairien encore).
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Dom
LES ENCEINTES FRANCAISES, c'est LE PIED !! (Pas un pied d'argile comme les enceintes en glaise)
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Re: Deux grands du piano s'en sont allés de concert...
#2 par Pseudo » 20 Avr 2022 à 14:32
Deux pianistes, deux fils
C'est bien triste, effectivement.

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Le meilleur moment pour planter un arbre était il y a 35 ans.
Le second meilleur moment est maintenant.
(Proverbe africain)
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Re: Deux grands du piano s'en sont allés de concert...
#3 par lupu » 20 Avr 2022 à 16:58
Pour étoffer un peu , voici , rencontré sur un forum disparu, le compte rendu d'un concert Schubert donné à Aix-en-Provence par Radu Lupu il y a quelques années. J'en étais peut-être l'auteur, c'est si lointain, tant de choses ont changé...
Voilà, c'est fait, je viens d'aller écouter un pianiste pas comme les autres. Oh, des pianistes " pas comme les autres", il y en a eu d'autres ! Mais la plupart sont disparus, de ces artistes dont la personnalité est tellement puissante, et dont la maturité irradie tant de richesse qu'ils vous font entendre les oeuvres comme personne d'autre avant eux. Il ne nous est pas alors donné d'écouter une version "idéale", ni même une version "merveilleuse", mais une version suffocante d'originalité et de maîtrise ( pas forcément digitale dans le cas présent , l'âge et la durée du récital - plus d'une heure et demie avec les bis - induisant parfois d'insignifiantes scories ), dans ses options.
Pendant le concert le dos de Lupu ne quitte pratiquement jamais l'alignement du dossier de la chaise sur laquelle il est assis, et il joue presque toujours les bras tendus, le tête en arrière. Sa silhouette de profil fait songer de loin au vieux Brahms, mais sans la longueur exorbitante de la barbe ! Les gestes remarquables sont rares: parfois un souple et vif moulinet du bras gauche pour souligner le rythme dans les "Danses allemandes", ou la main gauche qui se retire précipitamment en arrière du clavier comme s'il était brûlant. Quelquefois encore, un trait dans l'aigu au terme duquel l'index glisse et comme tombe du clavier. Mais rien d'ostentatoire, vous pensez bien ! de ces gestes comme en ont ceux qui ont passé leur vie entière à leur piano comme à leur outil, et qui expriment l'absolue familiarité physique qu'ils ont avec lui.
Le sommet du concert, car il y a tout de même toujours un sommet, fut l' "andante sostenuto" de la 960. délivré dans une intensité de silence que je n'avais encore jamais entendue. La qualité de ce silence obtenue par la concentration de son jeu, lui a permis en retour de donner l'inouï, de le chuchoter cet andante : ce n'était plus cette errance nocturne où l'on se heurte sans cesse à des obstacles invisibles qui vous meurtrissent, mais comme une sorte de danse lente, en apesanteur. Par moment, la note régulièrement produite par la main gauche au dessus de la main droite, semblait produite comme par le poids d'un papillon qui se pose: "Je veux vous aimer, mais vous aimer à peine." Et jamais la moindre impression d'affectation, d'artifice, tant l'organisation des valeurs dynamiques semblait naturelle. Et le miracle, c'est qu'en dépit d'un ambitus dynamique aussi réduit, toutes les modulations ont conservé leur caractère bouleversant, en particulier à la fin , au moment où la lumière semble doucement revenir.
Un fabuleux moment de piano, qui est allé bien au-delà de mes attentes, comme, je crois, de celles du public.
Mais les autres moments du récital étaient également caractéristiques du style légendaire de Lupu, qui jamais ne frappe ni ne cogne. Curieusement au disque, cet aspect de son jeu peut être un peu frustrant par rapport a celui d'autres maîtres plus vigoureux, même si Decca a tout de même parfois réussi à durcir sa sonorité. Mais au concert, tout ce que fait Lupu, avec la plénitude du son direct, paraît d'une absolue évidence. Pas de pathos, pas d'envolées irrésistibles ( pourtant, je les aime, moi, les envolées ! ), pas même le sentiment d'un souci puissamment architectural, vous savez: la fameuse "grande arche" ! Eh bien dirait-on, la grande arche, Lupu, il l'évite ou va au-delà, comme pour mieux...léviter ! Son pianisme , dans Schubert, me fait un peu songer au travail d'un peintre comme Mondrian, car il me paraît traiter les oeuvres comme le peintre les arbres, comme pour en donner une version de plus en plus épurée, simplifiée en direction de l'essentiel. Mais alors que les arbres de Mondrian deviennent gris en fin de processus, les oeuvres jouées par Lupu gardent leurs couleurs, moins tonitruantes mais qui sourdent, et vous étreignent.
A la fin du concert et des bis, car Lupu s'est montré généreux avec deux autres belles pages de Schubert le public a applaudi debout et longuement: manifestement, ce n'était pas seulement la prestation de ce soir qui était fêtée, mais l'homme et sa carrière.
Il n'y avait pas de disque à vendre à la sortie, et pour cause: pas d'actualité discographique ! Cependant deux micros étaient suspendus un peu au-dessus du piano: s'ils étaient actifs ( ce qui est probable, car ils n'y sont pas toujours) et si la démarche obtient l'assentiment du maître ( en général ce mot fait un peu sourire: " cher mAAAÎTRE " ! Mais quand on vient d'entendre et de voir Lupu, on se surprend à l'employer ) peut-être qu'un enregistrement sera diffusé un soir à la radio. "
Voilà, c'est fait, je viens d'aller écouter un pianiste pas comme les autres. Oh, des pianistes " pas comme les autres", il y en a eu d'autres ! Mais la plupart sont disparus, de ces artistes dont la personnalité est tellement puissante, et dont la maturité irradie tant de richesse qu'ils vous font entendre les oeuvres comme personne d'autre avant eux. Il ne nous est pas alors donné d'écouter une version "idéale", ni même une version "merveilleuse", mais une version suffocante d'originalité et de maîtrise ( pas forcément digitale dans le cas présent , l'âge et la durée du récital - plus d'une heure et demie avec les bis - induisant parfois d'insignifiantes scories ), dans ses options.
Pendant le concert le dos de Lupu ne quitte pratiquement jamais l'alignement du dossier de la chaise sur laquelle il est assis, et il joue presque toujours les bras tendus, le tête en arrière. Sa silhouette de profil fait songer de loin au vieux Brahms, mais sans la longueur exorbitante de la barbe ! Les gestes remarquables sont rares: parfois un souple et vif moulinet du bras gauche pour souligner le rythme dans les "Danses allemandes", ou la main gauche qui se retire précipitamment en arrière du clavier comme s'il était brûlant. Quelquefois encore, un trait dans l'aigu au terme duquel l'index glisse et comme tombe du clavier. Mais rien d'ostentatoire, vous pensez bien ! de ces gestes comme en ont ceux qui ont passé leur vie entière à leur piano comme à leur outil, et qui expriment l'absolue familiarité physique qu'ils ont avec lui.
Le sommet du concert, car il y a tout de même toujours un sommet, fut l' "andante sostenuto" de la 960. délivré dans une intensité de silence que je n'avais encore jamais entendue. La qualité de ce silence obtenue par la concentration de son jeu, lui a permis en retour de donner l'inouï, de le chuchoter cet andante : ce n'était plus cette errance nocturne où l'on se heurte sans cesse à des obstacles invisibles qui vous meurtrissent, mais comme une sorte de danse lente, en apesanteur. Par moment, la note régulièrement produite par la main gauche au dessus de la main droite, semblait produite comme par le poids d'un papillon qui se pose: "Je veux vous aimer, mais vous aimer à peine." Et jamais la moindre impression d'affectation, d'artifice, tant l'organisation des valeurs dynamiques semblait naturelle. Et le miracle, c'est qu'en dépit d'un ambitus dynamique aussi réduit, toutes les modulations ont conservé leur caractère bouleversant, en particulier à la fin , au moment où la lumière semble doucement revenir.
Un fabuleux moment de piano, qui est allé bien au-delà de mes attentes, comme, je crois, de celles du public.
Mais les autres moments du récital étaient également caractéristiques du style légendaire de Lupu, qui jamais ne frappe ni ne cogne. Curieusement au disque, cet aspect de son jeu peut être un peu frustrant par rapport a celui d'autres maîtres plus vigoureux, même si Decca a tout de même parfois réussi à durcir sa sonorité. Mais au concert, tout ce que fait Lupu, avec la plénitude du son direct, paraît d'une absolue évidence. Pas de pathos, pas d'envolées irrésistibles ( pourtant, je les aime, moi, les envolées ! ), pas même le sentiment d'un souci puissamment architectural, vous savez: la fameuse "grande arche" ! Eh bien dirait-on, la grande arche, Lupu, il l'évite ou va au-delà, comme pour mieux...léviter ! Son pianisme , dans Schubert, me fait un peu songer au travail d'un peintre comme Mondrian, car il me paraît traiter les oeuvres comme le peintre les arbres, comme pour en donner une version de plus en plus épurée, simplifiée en direction de l'essentiel. Mais alors que les arbres de Mondrian deviennent gris en fin de processus, les oeuvres jouées par Lupu gardent leurs couleurs, moins tonitruantes mais qui sourdent, et vous étreignent.
A la fin du concert et des bis, car Lupu s'est montré généreux avec deux autres belles pages de Schubert le public a applaudi debout et longuement: manifestement, ce n'était pas seulement la prestation de ce soir qui était fêtée, mais l'homme et sa carrière.
Il n'y avait pas de disque à vendre à la sortie, et pour cause: pas d'actualité discographique ! Cependant deux micros étaient suspendus un peu au-dessus du piano: s'ils étaient actifs ( ce qui est probable, car ils n'y sont pas toujours) et si la démarche obtient l'assentiment du maître ( en général ce mot fait un peu sourire: " cher mAAAÎTRE " ! Mais quand on vient d'entendre et de voir Lupu, on se surprend à l'employer ) peut-être qu'un enregistrement sera diffusé un soir à la radio. "
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Re: Deux grands du piano s'en sont allés de concert...
#5 par 6gale13 » 21 Avr 2022 à 00:07
Merci pour ton CR Lupu qui traduit pas mal de choses que nous aimerions retrouver dans la hifi sans y parvenir, comme par exemple les questions de dureté ou de jeu démontratif (ou pas) qui sont vécues différemment en disque et en concert. Ca me donne envie d'initier un fil sur nos expériences du concert pour nourrir la démarche hifi... Eh, eh, il y a deux soirs j'étais au concert de Yuja Wang au festival de Pâques à Aix-en-Provence. Très brillante dans Ligeti et dans ses "bis". Robe très longue en première partie, très courte en seconde et très hauts talons.
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6gale13 - 50 watts
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