Helix 2150

[bricoleur]

Cet ampli représente une histoire personnelle : il y a 35 ans j'étais un client assidu de Soljett, avenue du Maine à Paris. C'est là qu'en 1986 j'ai acheté la première paire de Quadral Titan III importée en France. Au magasin ces enceintes "titanesques" (142kgs, 1,55m de haut, 0.60m de prof. ligne de transmission de 3 mètres, 16Hz à 0dB !!!)  tournaient alternativement avec un Mc2500 et un effrayant amplificateur Helix, le 2150.

J'ai ensuite fait la connaissance du Dr Jean-Noël Chareire, concepteur et fabricant d'Helix, et enfin participé aux essais de tri-amplification des Titan à base de Helix 3000 pour les voies graves, Helix 2000 pour le medium et Helix 2.60 pour l'aigue. L'été suivant, le boss du magasin m'a confié l'ampli dont il est question ici, avec un préampli Helix 5000, pendant le mois de fermeture de la boutique pour les vacances d'été. À la rentrée je le lui avait rendu avec regrets - c'est un ampli fabuleux - mais j'étais incapable de l'écouter dans ma pièce sous les toits, qui plus est en plein été, qui devenait rapidement un sauna. Voilà pour l'historique.

J'ai été bien surpris en découvrant 35 ans plus tard sur le Bon Coin que ce même et unique ampli existait toujours, aussi je n'ai pas hésité longtemps avant d'appeler le vendeur. Et voilà, hier soir j'ai récupéré le monstre, il est à côté de moi et j'ai commencé à faire les premiers relevés basiques. Mon dos commence juste à me faire moins mal, étant donné qu'à chaque manipulation ce sont près de 50 kilos de métal qui tirent sur les bras et les lombaires.

Petit tour de l'engin, qui mesure 52cm de large x 42cm de profondeur  x 30 cm de hauteur, en commençant par l'arrière : les deux coquilles noires à droite sont les énormes selfs de sortie qui ont inspiré le nom de la marque au concepteur. On retrouve des selfs similaires sur les autres amplis de la marque, celui-ci étant le prototype qui a engendré de tous les autres (2.60, 2000 et 3000). Ces selfs doivent représenter à elles seules un bon tiers du poids total de l'ampli. Au centre, quatre condensateurs de filtrage de l'alimentation (de mémoire, la capacité  de chacune 150.000µF) et à gauche un magnifique transformateur Holden & Fischer de 850VA. Les étages de puissance polarisés en pure classe A utilisent pas moins de  24 transistors 2N5629 en boîtier TO3 (4 par dissipateur, au nombre de 6).

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On tourne : sur un des côtés il y a les entrées modulation. Embases et fiches LEMO, comme sur les Mark Levinson de l'époque dont le Dr Chareire était fan. Pour l'anecdote il se trouve que le distributeur d'Helix (Soljett) a également été le premier à importer ML en France, à lafin des annnés 70, alors que cette marque était rigoureusement inconnue ici et que M.Levinson passait alors juste pour un joyeux dingue attiré à Paris par les nanas et le vin.

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Du côté opposé se trouvent le témoin lumineux de mise sous tension, l'interrupteur M/A, l'embase IEC et le fusible.

Le reste des photos est ici : https://photos.app.goo.gl/y9Rf1A9pdq3HqmwJ7

J'ai procédé à quelques relevés de base et contrôles de sécurité avant de l'écouter. Pour la mise sous tension et les essais électriques je l'ai branché sur des petites enceintes de monitoring d'impédance 4 ohms : aucun bruit n'est audible ni à la mise en marche, ni aucun souffle une fois en régime de marche après 1 heure.

Au vu des valeurs de consommation électrique on est clairement en présence d'un ampli anti-COP26  : il fonctionne en pure classe A, délivre 150W par canal (et ce toujours en vraie classe A !)  et il consomme des watts, pratiquement 500 au repos avec une tension secteur de 228V.  

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La température des dissipateurs après une heure est de l'ordre de 60°C et me rappelle pourquoi je n'avais pas pu le garder dans ma pièce.

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C'est tout pour le moment, je dois maintenant procéder à des mesures plus complètes (puissance, distorsion) et surtout le brancher sur des vraies enceintes pour retrouver la finesse, la fulgurance et la main de fer qui caractérisent cet engin à l'aspect inquiétant. Les photos ne le restituent pas, mais quand il est dans la pièce il fout un peu les jetons, et pourtant j'en ai eu des gros balaises.

T.

Dernière édition par bricoleur le 03 Nov 2021 à 18:03, édité 3 fois.

[EUVRARD↑↓]

Salut Bricoleur

Impressionnant cet ampli, impatient de lire tes impressions d'écoute

Jérôme

[bricoleur↑↓]

impatient de lire tes impressions d'écoute

Jérôme

À l'époque où je l'ai eu pendant 5 semaines chez moi j'avais des enceintes très différentes de celles d'aujourd'hui (voir plus haut) mais les impressions d'écoute d'alors relevaient de la sidération. Pour faire une comparaison automobile, par rapport à d'autres amplis  pourtant réputés, c'était comme passer d'une voiture familiale performante à une AC Cobra de gros calibre ou à un kart (jeune homme, j'en ai piloté un une fois). La sensation de puissance sans limite, la légèreté, la fulgurance dans les accélérations... Ce qui m'avait frappé à l'époque, outre la transparence et la finesse dans le milieu du spectre et dans l'aigu, c'était la légèreté du registre grave, son côté aérien mais pouvant être violent. Je vais voir si la restitution proposée par cet engin hors du commun est toujours aussi exceptionnelle, mais de toute façon je suis ravi de l'avoir à nouveau près de moi.

[mkl↑↓]

Sacré bestiau. J’ai hâte de lire la suite de tes aventures avec cet ampli exceptionnel à plus d’un titre.

[Luxmanu↑↓]

Je pense qu'il s'agit d'un ampli pour bricoleur, sinon danger, la boucle est bouclée  

[bricoleur↑↓]

Je pense qu'il s'agit d'un ampli pour bricoleur, sinon danger, la boucle est bouclée

Ah ah ah    oui, je confirme, faut oser mettre les mains dedans, et surtout faire gaffe au banc de filtrage capable de tuer un cheval    

J'ai déposé le capot de protection des dissipateurs et entrevu une des particularités de cet ampli : l'absence complète de contre-réaction globale. Et le soft-start, qui emploie non seulement un relais statique / phototriac Sharp  S216S02 mais également une lampe halogène de forte puissance pour absorber le gigantesque appel de courant provoqué par la charge des capas de filtrage de l'alimentation. Je comprends mieux la lueur qui illumine le dessous de l'ampli à la mise sous tension. Le câblage de puissance est réalisé en Leonische de 6mm². On est bien dans l'extrême, partout.

T.

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[PP_65↑↓]

Et sur quelles enceintes , tu vas désormais l'écouter ?

[bricoleur↑↓]

Et sur quelles enceintes , tu vas désormais l'écouter ?

J'ai le choix, je vais commencer par des Quad ESL63.

T.

[jeanpascalg↑↓]

La température des dissipateurs après une heure est de l'ordre de 60°C et me rappelle pourquoi je n'avais pas pu le garder dans ma pièce.

Juste une remarque, la mesure est faite avec un pyromètre infrarouge, gros avantage tu n’as pas à toucher mais l’inconveniant c’est qu’il mesure la luminance pour en déduire la température. Si ce que tu observe est très émissif c’est bien 60°C sinon c'est bien plus élevé. Comme je vois des ailettes en aluminium il faudrait changer le réglage d’émissivité qui est à 0,96 pour plus bas :

http://www.thethermograpiclibrary.org/i ... rmographie

Mais comme tu peux le voir les valeurs de la littérature varient entre 0,2 et 0,8 le plus simple est alors de coller un thermocouple sur la surface que tu veux mesurer.

[bricoleur↑↓]

Mais comme tu peux le voir les valeurs de la littérature varient entre 0,2 et 0,8 le plus simple est alors de coller un thermocouple sur la surface que tu veux mesurer.

Absolument, tu as raison et j'en ai d'ailleurs quelques uns dans mon outillage, mais là c'était pour faire vite et surtout vérifier que la température était équilibrée entre les 6 dissipateurs.

T.

[gix90↑↓]

J'ai le choix, je vais commencer par des Quad ESL63.

Cela devrait très bien matcher...
Je connais plusieurs possesseurs de ESL63 qui s'en amuse très bien avec un Helix 2.60

[bricoleur↑↓]

Ce matin j'ai vérifié l'offset en sortie, il est quasiment nul (25mV).  C'est assez impressionnant de voir à quel point une conception saine permet d'avoir un ampli de l'extrême (2x150W en pure classe A sans ventilation forcée c'est extrême) dont le fonctionnement est irréprochable après presque 40 ans.

L'optimisation du refroidissement est exemplaire : un puits de convection contient les dissipateurs, l'air frais est aspiré sous le châssis et traverse en premier les circuits bas niveau (entrées, polarisation) dont la température des composants ne dépasse ainsi jamais celle de l'air ambiant. Cet air va ensuite circuler le long des ailes des énormes dissipateurs et quitter l'ampli par le haut.

Deuxième idée exemplaire : dans toute électronique ce qui finit par flinguer les chimiques c'est la chaleur. Ici, les gros condensateurs de filtrage (4x150.000µF) qui coûtent un bras, sont à l'extérieur de l'ampli. Qui plus est, leur fixation se fait sur une partie du châssis qui n'est pas en contact avec le puits de ventilation des étages de puissance : un tunnel dont la ventilation se fait par convection contient le câblage de l'alimentation et les résistances de puissance du banc de filtrage.

Tout cela est remarquablement pensé et devrait servir d'exemple à ceux qui conçoivent des amplis qui finissent par cramer ou tomber systématiquement en panne après quelques années. Evidemment le résultat est visuellement hideux, mais c'est un détail...

T.

[bricoleur↑↓]

Après un petit coup de chiffon pour faire propre les sérigraphies rouges sont réapparues (je les avais à peine remarquées) et il a déjà l'air plus pimpant, même si son look fait toujours penser au résultat de l'accouplement entre un grille-pain monstrueux et un onduleur.

Pour lui rendre tout à fait son aspect originel je dois maintenant fabriquer le capot du transformateur d'alimentation qui a disparu. Il reprend la forme des selfs de sortie qui sont noyées dans de la résine.

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[photo.phil↑↓]

j'adore ce genre d'histoire, un mélange de passion, de monstre et de jeunesse retrouvée.

[SL75↑↓]

Magnifique bestiau dont l'historique est très bien conté ! Bonnes écoutes !

[bricoleur]

j'adore ce genre d'histoire, un mélange de passion, de monstre et de jeunesse retrouvée.

C'est exactement ça. Il se trouve que j'ai pu reprendre contact avec la seule personne en France qui connaît ces appareils dans les moindres détails et nous avons passé récemment de longs moments au téléphone à effectuer la revue en profondeur des particularités de cet amplificateur.
Il est excessif en tout, y compris dans son schéma qui a fait l'objet d'un dépôt de brevet à l'INPI en 1981 (consultable ici). Plus je rentre dans l'analyse, plus je suis impressionné par l'audace de la conception et l'absence de toute concession de la part de J.N. Chareire.
Avec ce genre d'ampli on ressent souvent un petit frisson de crainte au moment de la mise sous tension, c'est un peu comme appuyer sur le bouton "launch" d'une fusée. Une capacité totale de plus d'un demi Farad (0.6F), une alimentation énorme, ici pas de classique pont en boîter métal pour le redressement, mais quatre diodes de type "boulon" de très très gros calibre, un courant de repos de 13 ampères... Tout ça vous transforme un gros tournevis- à fortiori un haut-parleur - en chaleur et en lumière en rien de temps. Mais le circuit de soft-start est très élaboré, il utilise un relais statique, un relais électromécanique, un thyristor, un optocoupleur et...une lampe halogène crayon de 150W !  Du coup, la mise en route se fait du bout du doigt et dans le silence le plus complet au moyen d'une minuscule clef, digne d'un préampli phono. Tout juste une brève lueur illumine les dessous du monstre. C'est assez déconcertant, on se serait plutôt attendu à ça ...

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Venons en à l'écoute. J'ai retrouvé exactement ce que j'avais éprouvé lors des quelques semaines durant lesquelles j'avais eu cet ampli chez moi associé aux Quadral Titan : c'est un cocktail explosif de transparence totale, de légèreté aérienne, de liberté du son et surtout de férocité lorsque la captation a été parfaitement exécutée et que le message sonore le demande. L'écoute d'une excellente prise de son est très révélatrice (j'ai tout récemment participé à un enregistrement dont j'ai le master, ça ne pardonne rien).

Dans les disques du commerce, pour prendre deux exemples, le Kammer Konzert de Ligeti (Deutsche Gramophon, Boulez) ou le Sacre du Printemps (François Xavier Roth, Les Siècles) sont représentatifs  de ces caractères. Tout en nuances, en micro-dynamique et en spatialisation pour le premier, et tout en violence inquiétante pour le second.

Pour conclure ce n'est en aucun cas un amplificateur "raisonnable", j'insiste, c'est carrément la caricature d'un anti-COP26  : il consomme énormément d'énergie et dans la pièce il ne constitue pas un chauffage d'appoint mais carrément un chauffage principal. On rétorquera que peu importe, le conducteur d'une Lamborghini Miura se souciait-il du confort ou de la gloutonnerie de sa machine ? À ne pas utiliser pour diffuser de la musique d'ambiance, ce serait imbécile. Par contre, pour entrer dans une oeuvre, c'est l'outil idéal.

T.

Dernière édition par bricoleur le 05 Nov 2021 à 16:04, édité 3 fois.

[Luxmanu↑↓]

[bricoleur↑↓]

[ Vidéo ]

Excellent  

[fedup↑↓]

Superbe reportage, merci !  

[frederic V↑↓]

Bonsoir Bricoleur
tu me rappelles la bonne époque de ce bouclard!!! avec aux manettes Mr Merch
et les titans de chez Quadral quelles émotions.....
depuis ce temps je possède un 2000 qui malheureusement traine sur un étagère
avec un canal en panne. En 35 ans c'est tout de même raisonnable
frédéric