non, non, je n'avoue rien, il ne s'est rien passé, c'est plus fort que moi, je n'ai pas pu.
je vous raconte l'aventure, mais c'est encore frais et mes doigts tremblent sur le clavier, je sors tout juste d'une torpeur, presque un coma, la joue collée depuis trois jours à des membranes bextrène afin de répudier le choc de la rencontre avec les Kooodddd..., je n'arrive pas encore à prononcer leur noms !
je suis allé, donc, d'un pas décidé, gonflé à bloc par votre courage et vos commentaires partisans, vers la vitrine d'un cash local, antre du rachat contre monnaie sonnante des moindres de vos reliquats, restes de vos vies passées à servir la société de consommation et parmi elles, des Koddaaas, neuves, brillantes, clinquantes comme les strass en plastique sur le petit haut bien trop petit qui peine à contenir la poitrine opulente de la caissière muette (et c'est tant mieux) devant tant de misère. les colonnes, tel des phallus, se dressent devant moi, prêtes à me sortir leur musique fluide et certainement divine, la vision est terrible, je suis hypnotisé, je m'approche, je sens leurs HP prêt à déglutir leur sonorité suave et limpide, elles sont là, tout près et sans le vouloir, instinctivement, comme le lion qui lèche sa proie fraichement tuée dans un geste possessif, comme l'enfant vers le jouet tant attendu, je tente un geste maladroit, je les touche du bout du doigt et ...
... attends, je respire, il faut du courage pour écrire un moment pareil. je sens encore cette sensation, la sueur perlé sur le front, de la découverte d'un trésor caché, du mystère qui n'en sera plus un, du premier pas sur une planète inconnu, comme le jeune premier le soir de sa première représentation, un mélange d'angoisse, de peur refrénée, on approche du but, le geste est délicat mais conquérant, imagine l'effort surhumain qu'il aura fallu !
... je les touches donc du bout du doigt et à ce moment là, juste à ce moment là, un vendeur - piètre technicien, dans ce gourbis pathétique, mais maitre de la vente rapide au consommateur avide et attiré par la promesse d'une affaire - ce margoulin, dont la carrière terne et passée dans différentes échoppes, fatigué de vendre, un jour du jambon industriel rose, un autre jour des aspirateur centralisé censés révolutionner la vie trépidante de nos femmes d'intérieurs, ce cloporte au teint blafard, arrivé donc ici par le hasard des agences d'intérim, éclairé par des néons usés et scintillants de leur couleurs indéfinissables, se permet un geste vif et rapide, c'en est même étonnant, vu l’absence d'énergie dont fait preuve l'individu, ce type dont le visage ne sera jamais gravé dans ma mémoire, tente de tourner le bouton de volume de l'ampli misérable qui leur sert de "démonstration", ampli gris et terne, lui aussi, assemblé comme les Kooddaaaa par des petites mains blanches d'enfants asiatiques qui ne voient jamais le soleil, des mains sales et déjà durcies du travail acharné à fabriquer ces totems exportés et dédiés à notre société dite civilisée. soudain, prompt comme un chat, rapide comme un justicier marvelien, tellement véloce que le pauvre vendeur, fit un bond en arrière, je lui crie :"NON" !
je ne pouvais pas, voilà, c'était trop rapide, comme l'amant éperdu devant la fille trop belle qui s'offre dès le premier soir, je n'ai pas pu, j'ai dis non, "je viens juste les voir" dis-je au pauvre commerçant et sur ce, je sors de suite, d'un pas leste, à la limite de courir, je dois fuir, je passe devant la jeune et plantureuse caissière (a qui je ne dirais pas non d'ailleurs, mais c'est une autre histoire...), qui doit me regarder d'un œil interrogatif, mais je ne regarde pas ces yeux, non, mon regard se situe 20cm plus bas, sur le pauvre petit haut, prêt à craquer, dont les courbes rondes, pleines et finalement maternelles me rassurent, je rentre chez moi, je me vautre lamentablement sur le canapé, fatigué, lavé, comme le perdant d'un match frénétique, non, je n'ai pas pu les écouter. il faudra revenir, mais j'y arriverai, je le ferais, le grand saut vers l'inconnu, je saurais enfin.