A vos clavecins!

[Pseudo]

Mais dites, on a un peu dévié du sujet des nouveautés classiques, non ? Et si on faisait un fil "Clavecin" ??

Voici donc!

Et pour commencer de manière un peu provocatrice:



Si je connais l’œuvre, je ne possède pas cet enregistrement, mais un disque Erato (je crois) avec le très oublié Rafael Puyana (un musicien d'avant la mode du retour aux instruments originaux).

Écrit entre 1923 et 1926, on peut supposer que De Falla l'a conçu pour le Pleyel à cordes pincées commandé par Wanda Landowska, qui l'a créé (pour en savoir plus). Rien à voir, donc, avec les subtilités des Hemsch, Rückers et autres dont les délicates harmoniques nous chatouillent si agréablement l'oreille (même sans Taket!...)

Et zut: c'était Veyron-Lacroix avec Charles Dutoit:

[Nicodimdom]

J'ai 2 CD de Scarlatti par Puyana. Faut que je les ré-écoute. De mémoire, il y avait des infra-graves envahissants qui nuisaient au plaisir... avec ET sans Taket.  

[Pseudo]

A tout seigneur, tout honneur: ce fil doit sans doute s'ouvrir sur le prince des clavecinistes du 20e siècle:



Pour qui veut prendre le train en marche, le coffret reproduit ci-dessus est une porte d'entrée possible. Il illustre toutes les facettes de ce musicien universel (ou presque): le claveciniste, l'organiste, le chambriste, le soliste, le chef d'orchestre et, en arrière-plan, le musicologue.

Cet homme s'est étonnamment dévoilé dans un film intitulé Le petit livre d'Anna-Magdalena Bach, où il joue le rôle du Cantor, tout simplement   (avec le baron Harnoncourt jouant le prince d'Anhalt-Köthen)...



Pour en revenir à ce coffret, il contient notamment le disque Louis Couperin où Leonhardt joue l'admirable et sidérante Pavane en fa dièse mineur, et le disque Scarlatti.

A ce propos, pour citer la K 208 qui a été abondamment commentée sur le Vert, les mélomanes qui considèrent l'instabilité de Rondeau comme de l'imagination ne trouveront pas leur compte: la battue du Maître est absolument régulière (c'est une de ses caractéristiques) et c'est par d'autres moyens qu'il insuffle la vie dans cette musique.

Deux choses à propos de ce coffret: le livret propose une intéressante interview de "Gusti", comme dit affectueusement mon épouse, mais aucune information sur les œuvres, l'enregistrement, les instruments, etc.

Mon CD de 1986 de ce Scarlatti précise que le clavecin est une copie par Skowronek  d'un original hollandais: là aussi, on est loin des instruments chatoyants qui ont la cote actuellement. Le CD de 86 transmet bien mieux la richesse du médium, et donc un certain moelleux, que la réédition en coffret.

Pour les Nifistes, une déclaration de Gustav qui mérite le détour:

Pour moi, le passage du procédé analogique au numérique n'a apporté aucune différence. Je ne l'entends pas, il n'est pas important à mes yeux.

Autre porte d'entrée dans le salon du maître:



Au programme: le CBT, l'Art de la fugue, une partita, le concerto italien, les Golberg, diverses pièces d'orgue enregistrée sur l'instrument historique d'Alkmaar et les sonates pour violon avec Kuijken (pour moi, la plus belle version, et un test pour déceler les acidité des HP). Demi-livret à nouveau (merci Sony!), mais cette fois, c'est le texte qui manque: les données d'enregistrement sous fournies.

Pour le reste, une multitude de disques isolés sont disponibles, et, pour les amateurs, quelques énormes coffrets.

[Fullkathode]

Bonsoir Pseudo,

Avoir écrit de Leonhardt "Cet homme, dont la modestie n'était sans doute pas la qualité première" prouve que tu le connais(sais) bien mal... ou pas du tout.

[habermas]

Et il ne faut surtout pas oublier le magnifique disque Forqueray chez Philipps ainsi que ses enregistrements chez Alpha des années 2000. Un peu hors sujet mais son enregistrement de l'orgue Dom Bedos de Sainte-Croix de Bordeaux est l'apothéose de sa carrière d'organiste. Un programme raffiné entre La Messe propre pour couvent de François Couperin, des toccates de Muffat & un sublime extrait d'Urania de JCF Fischer. Et que dire de la captation des sonorités de cet orgue! Pour moi une référence dans l'équilibre, l'ingénieur du son sur ce coup est un artiste en soi.

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Sinon j'en avais déjà dit beaucoup de bien à propos du dernier disque de Benjamin Alard (en réalité 3 CDs), le volume 1 de son intégrale de l'oeuvre au clavier de Bach. On y trouvera également des morceaux de Froberger, Pachelbel & Frescobaldi. comme je l'ai écrit dans mon précédent post, pour moi c'est mon disque e l'année 2018 et je pense que si les volumes suivants sont dans la continuité de ce premier opus, ce sera rien de moins que le disque référence de Bach au clavier.

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https://www.ls3-5a-forum.com/viewtopic.php?p=684318#p684318

Amitiés,

Joon

[Pseudo]

Bonsoir Pseudo,

Avoir écrit de Leonhardt ... prouve que tu le connais(sais) bien mal... ou pas du tout.

Et ton apport à la connaissance du grand homme est      

-- 26 Nov 2018, 20:15 --

... à propos du dernier disque de Benjamin Alard (en réalité 3 CDs), le volume 1 de son intégrale de l’œuvre au clavier de Bach. On y trouvera également des morceaux de Froberger, Pachelbel & Frescobaldi. comme je l'ai écrit dans mon précédent post, pour moi c'est mon disque de l'année 2018 et je pense que si les volumes suivants sont dans la continuité de ce premier opus, ce sera rien de moins que le disque référence de Bach au clavier.

J'avais davantage apprécié le précédent disque d'Alard, où il jouait des transcriptions d’œuvres de JSB par Bach lui-même:



Il touchait un très grand clavecin, au registre grave puissant, dont le moelleux flatte agréablement l'oreille.

[olivier-49]

A tout seigneur, tout honneur: ce fil doit sans doute s'ouvrir sur le prince des clavecinistes du 20e siècle:
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Cet homme, dont la modestie n'était sans doute pas la qualité première, s'est entièrement dévoilé dans un film intitulé Le petit livre d'Anna-Magdalena Bach, où il joue le rôle du Cantor, tout simplement  :wink: (avec le baron Harnoncourt jouant le prince d'Anhalt-Köthen)...
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Pour en revenir à ce coffret, il contient notamment le disque Couperin où Leonhardt joue l'admirable et sidérante Pavane en la mineur, et le disque Scarlatti.

Ah merci Pseudo !

Voila qui peut donner lieu à des débats serrés et, on l'espère, à quelques belles découvertes !
En tout cas, je crois en effet que tu te trompes sur la personnalité de Leonhardt, concernant le film de Jean-Marie Staub ! J'en veux pour preuve ses paroles mêmes :
"Lorsque vous avez joué dans le film de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, aviez-vous l'idée de faire connaître ainsi un style nouveau de jeu de Bach ?
D'abord Straub m'a choisi. Je ne savais rien de lui. Il m'a téléphoné et j'ai pensé : un film sur Bach, cela sera effrayant comme tous les films sur la musique que j'ai déjà vus. Puis, j'ai reçu le scénario et alors, chapeau bas ! C'était un scénario tout à fait sérieux, pensé, et fondé historiquement. J'étais tout de suite gagné, car il y avait enfin un réalisateur qui avait la même approche de Bach et le même respect que moi. Ce que je trouvais normal, Straub le trouvait aussi. Il était un cas unique dans le monde du cinéma. Il l'est toujours."

Par ailleurs, de quel Couperin et de quelle pavane parles-tu ? Pour moi, il doit s'agit de Louis Couperin et de sa pavane et fa dièse mineur, magnifiquement interprété par Gustav, d'abord su un disque BHM, puis sur un disque Alpha Frecobaldi/ Louis Couperin, paru en 2002.

[Pseudo]

En tout cas, je crois en effet que tu te trompes sur la personnalité de Leonhardt, concernant le film de Jean-Marie Staub ! J'en veux pour preuve ses paroles mêmes :
"Lorsque vous avez joué dans le film de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, aviez-vous l'idée de faire connaître ainsi un style nouveau de jeu de Bach ?
D'abord Straub m'a choisi. Je ne savais rien de lui. Il m'a téléphoné et j'ai pensé : un film sur Bach, cela sera effrayant comme tous les films sur la musique que j'ai déjà vus. Puis, j'ai reçu le scénario et alors, chapeau bas ! C'était un scénario tout à fait sérieux, pensé, et fondé historiquement. J'étais tout de suite gagné, car il y avait enfin un réalisateur qui avait la même approche de Bach et le même respect que moi. Ce que je trouvais normal, Straub le trouvait aussi. Il était un cas unique dans le monde du cinéma. Il l'est toujours."

Premier point, j'aime beaucoup La chronique d'Anna Magdalena Bach, et je recommande de voir ce film à qui ne l'aurait jamais fait.

Second point, il me paraît exclu de mener une carrière telle que celle de Gustav Leonhardt sans disposer d'une solide confiance en soi. Je connais beaucoup de musiciens et le trac éloigne beaucoup d'entre eux d'une carrière sérieuse. Donc, quand je parle de la personnalité de Leonhardt, il ne s'agit pas d'une critique.

Puisque nous parlons de connexions entre l'interprète et son compositeur préféré, ce dernier, homme modeste, a néanmoins déclaré un jour: "Quiconque travaillera autant que moi deviendra aussi fort que moi." Il s'agit de conscience de son statut, non d'orgueil mal placé.

Autre exemple, Schubert le modeste s'est un jour écrié: "Je suis Schubert, de Vienne!".

Troisième point: je corrige la tonalité de la Pavane.

[Pseudo]

Allez! une anecdote pour amener un peu d'air dans ce fil.

Dans les années 80, je crois, j'ai eu la grande chance d'écouter Gustav Leonhardt en compagnie de Franz Brüggen (excusez du peu!) à l'église française de Berne.

Ce bâtiment du 13e siècle présente un plan fortement rectangulaire, et, Réforme aidant, une chaire surélevée a été installée le long d'un des longs côtés. Les musiciens jouaient sur une estrade au-dessous de cette chaire. Il était donc possible de les écouter et de les voir de près.

Au début de la seconde partie, si je me souviens bien, Brüggen revient avec une série de flûtes dans les bras, plusieurs désassemblées en segments. Il avait, à cette époque, ce visage émouvant qui alliait des traits juvéniles à une blanche chevelure. Au moment de s'asseoir, cette espèce de fagot lui échappe. Voici donc des segments de flûtes précieuses roulant sur la scène.

On a donc vu ces deux éminents musiciens baroques se lancer à leur poursuite, et quasi à quatre pattes, tenter de les rattraper.

Ce fut un récital merveilleux: connivence des interprètes, timbres, conception, tout y était. La sonate en si mineur BWV 1030 fut éblouissante, avec un swing dans le dernier mouvement que leur très bel enregistrement de 1975 (que je possède en coffret de LP Seon) n'atteint pas tout à fait.

[lcartau]

Un peu hors sujet mais son enregistrement de l'orgue Dom Bedos de Sainte-Croix de Bordeaux est l'apothéose de sa carrière d'organiste. Un programme raffiné entre La Messe propre pour couvent de François Couperin, des toccates de Muffat & un sublime extrait d'Urania de JCF Fischer. Et que dire de la captation des sonorités de cet orgue! Pour moi une référence dans l'équilibre, l'ingénieur du son sur ce coup est un artiste en soi.

[ Image ]

Joon

Arrête de remuer le couteau dans la plaie   ... J'avais deux places pour ce concert et j'ai du au dernier moment partir pour des raisons pros. Mon frangin et ma compagne ont été y faire un tour. Commentaires de mon frangin en retour "Ouais pas mal"   ...

[Fullkathode]

Et ton apport à la connaissance du grand homme est  :quesion:  :quesion:  :quesion:

Olivier-49 a déjà répondu ; mon apport consistera donc simplement à confirmer ce qu'il écrit. Leonhardt était un très grand musicien et un homme très discret, très réservé, secret même, très éloigné de toute ostentation... en bon calviniste de stricte observance qu'il était.

En revanche, il portait un regard sans concession sur notre époque et notre société, et il ne craignait pas d'exprimer ses opinions sans langue de bois, ce qui pouvait choquer les béni-oui-oui.

[Nicodimdom]

en bon calviniste de stricte observance qu'il était.

En bon claveciniste de stricte obervance qu'il était...  

Bon. je sors.  

[Fullkathode]

Non, non, ne sors pas !
Je trouve le jeu de mots savoureux.

[Nicodimdom]

Bon ben alors je reste... sous ta protection bien sûr !

[pecheur1958]

J'attends celui-là

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Edit : CD reçu, et ben je l'aime !

[Pseudo]

Les amateurs de tempi inventifs pourront tester les limites de leur résistance avec ces Goldberg par Wolfgang Rübsam sur un clavecin-luth ou luth-clavecin:



L'instrument d'abord: il semble qu'aucun d'eux ne nous soit parvenu, bien que son existence soit attestée. Bach a composé pour un "Lautenwerk" qui semble bien être l'objet en question. Sa particularité est double: il est monté en cordes de boyau, et possède un jeu métallique sur une "octave courte" (?) qui résonne par sympathie. Les images disponibles sur la Toile montrent un objet assez effarant, sorte d'énorme caisse de résonance de luth, aplatie, montée sur pieds  et munie d'un double clavier. Si le son séduit à l'extrême par sa finesse et sa richesse, c'est peut-être sa laideur qui a banni le luth-clavecin des salons.

A l'écoute, l'instrument de Rübsam offre une perspective inédite, car les micros ont manifestement été placés derrière l'interprète: le grave "théorbé" au timbre si particulier sonne tout à gauche, et l'aigu tout à droite.

L'interprétation, maintenant: Rübsam étire les variations sur 78 minutes et 24 secondes! En schématisant, on peut distinguer trois tempi:

le premier, modéré, concerne la main droite et les éléments mélodiques qui lui sont attribués: il ne dépasse jamais le "poco mosso";

le second, nettement plus lent, intervient lorsque la main gauche doit traiter autre chose qu'un appui harmonique: les motifs de la voix grave sont alors joués beaucoup plus lentement que ceux de la voix supérieure;

La plus grande surprise intervient dans le traitement des ornements, que Rübsam décompose parfois à l'extrême pour leur conférer le statut d'élément mélodiques de premier plan: le temps s'immobilise quasiment.

Alors que les variations de tempi de Rondeau créent une forme d'agitation qui plaît à certains, Rübsam parvient quasiment à l'ataraxie:  si Golberg  jouait ainsi pour le comte Keyserling, peut-être le célèbre insomniaque parvenait-il à se détendre et s'endormir.

Pour le prix modique de cette galette Naxos, il vaut la peine de tenter l'expérience: soit vous décrocherez après trois mesures (ou moins), soit vous trouverez une forme de béatitude qui vaut son prix par ces temps troublés!

[olivier-49]

J'ai un peu de mal, là !
Je n'ai rien contre les sons à l'ancienne mais là ça me fait l'impression que l’instrument est constipé...
Quant à l'interprétation, ça m'ennuie vite. Les ornementations deviennent des cahots sur la route. Ils interrompent le discours. C'est difficilement supportable.
En revanche, j'aime assez les interprétations faites sur des instruments un peu en décalage temporel par rapport aux habitudes. Instruments anciens, moins de puissance mais plus de fruité, plus de mystère.

Deux exemples que j'aime beaucoup, même si c'est du piano-forte et non du clavecin :

Le Scarlatti de Aline Zilberajch



Ou les concertos de Mozart par Andreas Staier et le magnifique Conceto Köln.

[LLZZ]

Bonjour,
Est-il permis de parler de musique contemporaine pour clavecin sur ce fil ? Car j'ai écouté aujourd'hui ce vinyle (à ma connaissance jamais réédité en CD) trouvé ce week-end chez un disquaire d'occasions à Paris (ayant un rayon consacré à la musique contemporaine, ce qui est plutôt rare).





Parmi les œuvres, l'impressionnant Khoai-Xoai de Iannis Xenakis. J'ai eu la chance d'entendre en concert cette artiste (décédée l'année dernière) plusieurs fois depuis le début des années 80. Un tempérament exceptionnel, une maîtrise parfaite de l'instrument et un tempo solide caractérisent son jeu qu'elle a mis au service de nombreux compositeurs.

[fedup]

Chouette filière !

Moi celui qui m'a définitivement converti au clavecin (mais je ne demandais pas mieux) a probablement été Skip Sempé, notamment chez Byrd et Dowland... Quelle claque !  

Le voici à l’œuvre dans l'impitoyable Marche des Scythes de Royer :



On dit qu'il projetterait d'enregistrer l'intégrale de l’œuvre des Ramones... mais ce n'est pour l'instant qu'une rumeur  

[Pseudo]

Plus très récent, mais plein de charme, ce récital à deux clavecins:



Il  offre dans une perspective inattendue, mais très convaincante, les deux premières Suites pour orchestre, le concerto en do majeur BWV 1061 (dont l'origine a fait couler beaucoup d'encre, le second mouvement renonçant, de toute façon, à l'orchestre) et le 6e Brandebourgeois, presque plus convaincant que dans sa version pour cordes