Tout est dans le titre.
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Musiques fragiles

26 Avr 2011 à 09:35

Trop sucré le sirop pop? C'est ce que je pensais des gentils disques du duo danois Raveonettes: musique légère comme une fumée, vite évaporée dans les airs et dans la mémoire.
Et puis voilà t'y pas que les tourtereaux noirs décident de brosser leurs plumes dans le sens du noir et de la mélancolie, à la mode des ancêtres New Order, avec ces guitares obsédantes mais légères, ce rythme faussement entrainant, cette basse qui monte désespérément vers les sonorités médiums, tandis que les voix sont presque fantômatiques, pleines d'échos, ceux des profondeurs sans rémission.

Les titres disent les regrets du temps qui nous enterre à petit feu ("Forget that you're young"), les ombres qui guettent ("War in heaven", "Evil seeds"), ou les soubresauts pour rester à la surface, vaille que vaille ("Recharge & revolt"). Peu, très peu de déchets donc dans cet album-là, et encore, pas de déplaisirs.
Pour couronner le tout la belle pochette de "Raven In The Grave" donne le ton en visuel.

Le désir du spleen et le spleen du plaisir pour cet album qui reste, tenace, sans sombrer dans la mémoire.

Eclats d'obscurité ici: http://www.amazon.fr/Raven-Grave-Amazon ... =8-2-spell
Dernière édition par Atlante le 10 Mai 2011 à 14:00, édité 1 fois.

Re: Musique fragile

26 Avr 2011 à 10:22

"cet album qui reste, tenace, sans sombrer dans la mémoire."
Date de sortie : avril 2011 .

Re: Musique fragile

26 Avr 2011 à 10:38

Temps moyen de latence musicale d'un album que je n'aime pas: 10 secondes, puisque je n'ai aucune envie de m'en souvenir (et j'ai beau le réécouter des mois ou des années plus tard, le constat varie rarement).
Un album qui me plaît reste en mémoire, même après 10 ou 15 ans. Je n'ai pas besoin d'attendre ce temps-là pour dire que bon, finalement c'est bien.

Re: Musique fragile

26 Avr 2011 à 11:04

Attendons donc 10 ou 15 ans .

Re: Musique fragile

26 Avr 2011 à 11:20

Oui, c'est cela, attends donc 10 ou 15 ans.

Re: Musique fragile

26 Avr 2011 à 11:23

Atlante » 26 Avr 2011, 09:38 a écrit:Temps moyen de latence musicale d'un album que je n'aime pas: 10 secondes, puisque je n'ai aucune envie de m'en souvenir (et j'ai beau le réécouter des mois ou des années plus tard, le constat varie rarement).

Tes goûts n'ont jamais évolué ?

Re: Musique fragile

26 Avr 2011 à 11:32

N'écoutes pas PP... c'est un vieux grincheux. J'ai pris beaucoup de plaisir à te lire. Et puis les Raveonettes : c'est pas mal du tout!

Re: Musique fragile

26 Avr 2011 à 11:37

Là , j'écoute Zeena Parkins "faulty" , je ne pense pas que j'aurais pu écouter  à 15 ans quelque chose de similaire (qui existait déjà ) .

Re: Musique fragile

26 Avr 2011 à 11:45

PP_65, je vois que tu as envie de me tester un peu, mais bon, faut bien savoir à qui on a affaire, hein?...

Alors: bien sûr que mes goûts (et ma culture) ont évolué, mais certaines vieilles choses désuètes sont gardé autant de charme que des vieilles photos loupées et jaunies, tandis que l'ouverture à des styles de plus en plus différents a changé ma manière de considérer les musiques. J'apprécie donc plus de choses et suis plus critique envers d'autres, comme tous ceux qui écoutent passionnément la musique je suppose.

C'est d'ailleurs exactement le sens de mes mots, que tu as forcément dû lire et comprendre aussi sans y chercher seulement le point de mise en défaut: "le constat varie rarement", ce qui ne signifie donc pas "jamais". Il y a donc des exceptions dans les deux sens: re-découvertes ou déceptions a posteriori, mais ce dernier cas est finalement encore moins "fréquent" que le premier.

Sinon, étant donné que je fonctionne très peu sur le mode du suivi de la critique et de la mode, je bouffe un peu à tous les rateliers musicaux.

PS:  :wink:  à calamean.

Re: Musique fragile

26 Avr 2011 à 11:53

Exactement, faut bien faire connaissance, tu m'en as donné l'occasion puisque je me méfie beaucoup des enthousiasmes précipités , des miens comme ceux des autres .

Re: Musique fragile

26 Avr 2011 à 15:22

Atlante » 26 Avr 2011, 11:45 a écrit:
Alors: bien sûr que mes goûts (et ma culture) ont évolué, mais certaines vieilles choses désuètes ont gardé autant de charme que des vieilles photos loupées et jaunies, tandis que l'ouverture à des styles de plus en plus différents a changé ma manière de considérer les musiques. J'apprécie donc plus de choses et suis plus critique envers d'autres, comme tous ceux qui écoutent passionnément la musique je suppose.


j'aime bien ce passage, je m'y retrouve  :cheesygrin:
quand j'étais jeune, j'avais lu de bonnes choses sur deux albums, à deux époques différentes, et quand je les ai écoutés, ils ne m'ont pas accroché : c'était le premier Band, Music from Big Pink, puis le concept album (c'est surtout ça qui m'avait fait fuir) de Marvin Gaye, What's Going On. Je les avais achetés, et il m'a fallu du temps pour comprendre, mais maintenant j'ai compris et ces deux disques sont parties intégrantes de mes fondations musicales. Il faut être prêt pour certaines choses.
Inversement, il y a des disques qui ont été importants pour l'ado que j'étais, et comme je ne suis plus ado...  :redface:

Re: Musique fragile

10 Mai 2011 à 13:50

J'étais en manque de la fragilité scintillante des Shins, de cette voix claire et aérienne, légère comme du vin blanc. J'avais loupé le nouveau projet de James Mercer, Broken Bells.
Mais si la vie repasse rarement les plats, la musique accorde toujours des chances supplémentaires de se rebaigner dans les fleuves oubliés. Plaisir retardataire et renouvelé avec l'album éponyme de Broken Bells donc.

James Mercer marie toujours son timbre à des sonorités venues des rêves, synthétiques mais proches du tuba ("The high road"), de l'écho post-70's ("Your head is on fire" par exemple), des orgues d'époque Procol Harum ("Vaporize", "Sailing to nowhere"), des tintements de verre en faisant osciller les dernières syllabes de ses phrases. Mais Broken Bells se la joue d'abord original et bien typé, suite logique, peut-être un cran en-dessous, des merveilles des Shins (notamment de leur chouette album "Wincing the night away").

Une musique sensible en couleurs pastel et nuancées, où l'émotion prend résolument le pas sur la technicité, l'humanité sur la technique.

Scintillements ici: http://www.amazon.fr/Broken-Bells/dp/B0 ... 707&sr=1-3

e

Re: Musiques fragiles

14 Mai 2011 à 12:38

un homme qui comprends la gracilité et l'équilibre instable des chansons de new order à droit à tout mon respect.

signé pierre, marqué à vie par leave me alone et love vigilante entre autres :wink:

Re: Musiques fragiles

14 Mai 2011 à 15:10

Beau et déchirant comme ça par exemple?...     :wink:

Re: Musiques fragiles

14 Mai 2011 à 17:05

absolument!!

Re: Musiques fragiles

26 Mai 2011 à 10:49

From Berlin to New York, Electro Flight Company, ça pourrait être la raison sociale du francophile Nicolas Jaar.

Un Américain qui plonge dans l'electro comme dans un fleuve, c'est à dire qui ne s'y baigne jamais de la même façon finalement. Oubliez le seul jeu de sons et de rythmes pour une aventure dans des ambiances pliées, les rencontres de mondes improbables (l'eau, souvent présente, qui coule et des percussions étranges dans "Almost fell" ou synthés et voix d'enfant sur "Etre" par exemple), les syncopes lentes ("Specters of the future"), les percussions à la neo-Pink Floyd ("Trace"), beauté des synthés, ou intraveineuse de jazz électronique sur "I got a".

Une electro liquide et intellectuelle, façonnée avec délicatesse pour un bain d'introspection, comme un Trentemoller qui aurait abandonné la lourdeur des impacts telluriques pour tenter de s'envoler juste à hauteur d'homme (les voix participent fréquemment aux morceaux).
La pochette évoque ce dualisme humain/froideur austère, et le titre de l'ensemble nous tire le portrait d'un monde de sons et de mélodies cachées: "Space Is Only Noise".

Ambiances de ce côté: http://www.amazon.fr/gp/product/B004K0Z ... 703&sr=1-1

Re: Musiques fragiles

17 Juin 2011 à 07:38

On a longtemps cru que l'Islande ne produisait que des choses aussi étranges que givrées: glaciers, lychens, chanteuses, etc. Un voyage pas très organisé sur les voies de traverse m'avaient permis de découvrir un Viking poète, adepte des assauts pacifiques à coups de sons analogiques, de tintements, de dissonances et de mélodies fragiles: Mugison.
Quelques albums entre l'étrange et l'intimiste, rythmés au xylophone, sur cette voix cassée, presque fatiguée: "Mugimama, is this monkey music? ", "Mugiboogie" (plus... boogie on va dire).

Pas une école stylistique dont ne semble s'inspirer l'Islandais aventureux: tout juste peut-on faire une comparaison avec l'approche d'un Tom Waits, car loin des lignes claires et de la linéarité de la plupart des autres artistes. Pas pour rien que son label est Accidental Records.
On retrouve son originalité dans les "boitiers" des disques: carton arty et sommairement plié, voire sorte d'enveloppe en simili-cuir noir (rien que pour ça, la dématérialisation enlève déjà une partie du charme des disques).
Des disques dans lesquels il est préférable de se plonger complètement pour en apprécier les couleurs changeantes et novatrices. Un artiste à l'échelle humaine qui a aussi sorti des BO de films, à essayer pourquoi pas.
Découverte récente d'un "Lonely Mountain" et du live "Itrekun" (aux arrangements plus musclés et plus rocks que dans les versions studio) aussi séduisants que les albums pré-cités.

Le tourisme polaire a du bon.


Welcome To Iceland:  http://www.mugison.com/Music/Album/19

Re: Musiques fragiles

08 Juil 2011 à 07:56

Munich, ses mécaniques rigoureuses, ses berlines confortables... et un peu de poésie dans un monde solide: Angela Aux.
Musique introspective et subtile qui rappellera les meilleures heures des Belges de Deus dans plusieurs morceaux; au hasard "Get your costumes" ou "make music to have ideas to make music to", où l'on sent presque comme une profession de foi.

Rien ne semble trop linéaire, rien ne semble vouloir passer en force: ambiances diffuses, sonorités parasites mais pas trop, optimisme et culte du bout de ficelle (un air de Beach Boys sur "The sun is always above me on the run"), sifflements, échos sortis d'un songe à la Beck ("Smells like screen spirit"), electro peinarde, air venu d'Hawaï ("Choking bubbles"), chant dérivant ("Sunday monkey").

Un fruit étrange comme celui de la superbe pochette (mieux qu'en photo, sauf que pour en extraire la galette sans la rayer c'est pas génial), porté à se déguster en toute intimité. Il (car c'est un Allemand, Florian Kreier) chante pour l'essentiel en anglais mais s'exprime en émotions, c'est bien tout ce que l'on demander à un bon artiste. Un disque apaisant et tellement humain, au titre bien trouvé, "Whatever you guess it's not", et ce n'est effectivement pas du tout ce à quoi on s'attendrait d'un produit germanique, morceau après morceau.

Un, two, drei: http://www.amazon.fr/Whatever-You-Guess ... 289&sr=1-1  et  http://www.myspace.com/angelaaux

08 Juil 2011 à 10:06

Atlante » 10 Mai 2011, 13:50 a écrit:J'étais en manque de la fragilité scintillante des Shins, de cette voix claire et aérienne, légère comme du vin blanc. J'avais loupé le nouveau projet de James Mercer, Broken Bells.


J'ai toujours aimé les descriptions musicales qui s’appuient sur l’œnologie. Les sensations sont proches. On a du mal à qualifier avec l'ouïe, alors on utilise les autres sens.

Re: Musiques fragiles

06 Aoû 2011 à 08:08

Resté en Allemagne pour une fête de la bière en Bavière, mais faites-y aussi de la musique: impératif suivi par The Dope.

Pas très rigides les Teutons, plutôt de l'école souple et tourmenté, prêts à partir en loopings pas tracés au cordeau, en bon groupe alternatif qu'ils sont.
Difficiles à cataloguer, du folk au rock introspectif, aux guitares touffues et pas très bien ébarbées, voire cordes à l'ancienne (tendance vieux violon et viole). Voix portée sur les aigus, rythmes cassés et asynchrones avec les mélodies.
En bons Allemands ils sont portés sur l'écologie, d'où aussi le titre de l'album "Into The Woods" et sa pochette champêtre.

De la musique pour regarder la nature vivre, là, juste derrière les vitres, et se laisser emporter ailleurs, pas forcément outre-Rhin d'ailleurs.
Evidemment au petit jeu des références on pourra entre autres penser à Pavement ou aux Flaming Lips, mais bon, je les aime bien tout simplement pour ce qu'ils sont.

Pense-bête: se faire une injection de Dope de temps en temps, pour se remplir les oreilles et l'esprit d'absences de certitudes.

Dealer ici: http://www.myspace.com/thedopemusik
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