Musiques fragiles

[Atlante]

Drôles d'oiseaux les Guillemots, Anglo-Canado-Brésiliens, adeptes de chansons plutôt pop dans le passé, pas bien épaisses et rutilantes comme du PVC de chez Prisunic (p'tit    au reclus pédaleur des Hautes-Pyrénées).
Et puis voilà qu'ils se tournent un peu vers l'intérieur, c'est à dire le coeur (forcément saignant) et l'esprit (ah bé non, la vie c'est pas toujours de la tarte aux fraises).

Bilan? Pas mal, pas révolutionnaire mais vraiment pas mal pourvu qu'on laisse les chansons mûrir tranquillement dans le salon et dans la tête. On retrouvera des influences des Shins/James Mercer (auquel la voix de Fyfe Dangerfield ressemble parfois magnifiquement), annoncées dès la sombre pochette de "Walk the River", car cette rivière ressemble plus au Styx qu'à la Tamise: "Sometimes I remember wrong", "Yesterday is dead", "Nothing you feel is true", etc.

Il reste de la phase pop une certaine emphase dans les orchestrations, mais sans trop diluer la qualité du pinceau sonore, lequel flirte à l'occasion avec le folk nettement plus épuré ("Dancing in the devil shoes" entre autres). Légères réverbérations qui font vibrer l'horizon sur le morceau-titre par exemple, voix en évidence et en suspension.

Pop "intelligente" en fin de compte, et musique assortie aux pluies d'automne, en bord de mer, parfait pour des Guillemots...



et puis extraits: http://www.amazon.co.uk/Walk-The-River/ ... _album_lnk

[castellu]

Ta prose est superbe de bon matin, même si cette pop me laisse un peu de marbre...

B r u n o

[PP_65]

C'est le problème des mots : ils mentent . C'est l'outil principal de la pub et  c'est une constatation que j'ai faite en lisant des programmes de festivals de musique ou des comptes-rendus  faits par des critiques que je savais discuter  au bar d'en face pendant le concert .

[Atlante]

Comme je l'ai écrit ailleurs je n'ai pas de prétention à présenter/fixer des références indiscutables et la plupart des trucs que je présente déplaira au plus grand nombre, et inversement (si je devais m'exprimer à chaque fois qu'un artiste me laisse de côté ça ne serait pas forcément constructif).
Bah, y a toujours quelqu'un à qui ça plaira!...

Les mots peuvent mentir, les miens disent ce que je ressens, ni plus ni moins, et je ne mens pas, je ne suis tout simplement pas en phase avec tous.

Sur ce je me casse, il fait beau.

[PP_65]

Je n'ai pas dit que tu mentais , mais que les mots mentent , c'est un fait et qui est utilisé ( en restant dans le domaine qui nous occupe) à des fins de marketing ; le discours critique doit être réinventé , par qui, je ne sais pas .

[Vincent HH]

C´est le plaisir de partager et de vouloir faire écouter, enfin c´est que je ressens en lisant les présentations de Atlante.
Et je l´en remercie pour ça.  

PP, tu devrais ouvrir un sujet sur le jazz et les musique contemporaines ou modernes (je ne connais pas la dénomination exact), je t´en serais aussi reconnaissant.

Vincent

[PP_65]

Il y a un fil sur le Jazz , j'attends un peu de demande , comme je l'ai dit , je ne vais pas plonger celui qui débute dans la partie moderne de cette musique par les choses les plus abruptes . Sinon j'écoute à l'instant le tout dernier Bill Dixon enregistré peu de temps avant son décès au festival de Victoriaville , toujours ces longues nappes sonores dont je ne me lasse pas , pour du fragile et du ténu ça se pose un peu là dans beaucoup de passages .
A signaler un blog audiophile ( US , ce n'est pas étonnant) qui parle de Dixon :
http://www.twitteringmachines.com/tag/bill-dixon/

[Atlante]

"Musiques fragiles" c'est parce qu'effectivement j'ai toujours répugné à classer certains états d'esprit musicaux dans des styles, donc que ce soit du jazz (pas aficionado à titre personnel), du classique, du rock ou n'importe quoi d'autre, ça me va.

Pour le reste, si Vincent HH ou un autre de passage découvre quoi que ce soit qui l'accroche, ici ou sur un autre sujet, c'est donc vraiment très bien: je ne compte pas les découvertes que j'ai faites grâce aux présentations d'autres, justement parce qu'elles n'ont aucune raison d'être commerciale ou professionnelle.

De toute façon les qualités et les limites de toute critique (j'aime pas trop ce terme, je préfère présentation ) seront toujours bornées par la personnalité-même de son auteur... et de son lecteur, alors la critique parfaite, révolutionnaire ou universelle, je n'y crois pas.
En revanche j'ai toujours trouvé les critiques des magazines généralistes ou plus spécialisés extrêmement frustrantes (bon dieu, c'est quoi qu'on y entend, qu'on y ressent en définitive dans son truc??!) ou très décevantes ("Ouais, trop mortel ce chef-d'oeuvre, incontournable"): le nombre de grosses déceptions avant l'ère internet...

Alors si vous voulez bien je vous expédierai la correspondance d'une partie de mes écoutes, achats et découvertes, mais surtout sans volonté d'être imparable.

[Atlante]

Cordes caoutchouteuses, voix dérivante, mélodies portées par les vents, c'est Stephen Malkmus & the Jicks, et c'est bien comme ça.
"Mirror Traffic" vient donc de sortir et il ne faut pas beaucoup de morceaux pour comprendre que le grand désinvolte a réussi son nouvel album, si bon qu'on se réjouit d'avoir vécu jusque là.

Chacune des courtes 15 pièces se laisse découvrir avec l'émerveillement de celui qui monte pour la première fois dans un train sonore, que certains artistes produisaient sous forme d'histoires colorées, imagées et poétiques (tiens, Steely Dan par exemple).
Une façon de faire la musique dérailler en beauté ("Long hard book" entre autres, mais ce morceau-là est très caractéristique de cet abandon au milieu du gué, avec le rythme qui semble ralentir, se voiler, avant de repartir sur un autre tempo), des virées vers des cieux si loin des rationalités techniques, des textes parfois absurdes, cet esprit Pavement toujours scintillant dans la voix de Stephen, bon sang quel plaisir!

On notera un soupçon de nerf en plus par rapport aux précédentes oeuvres en solo: "Forever 28", "Share the red" ou"Senator" le montrent bien, mais sans jamais virer au passage en force; l'ensemble conserve toujours cette légèreté insouciante. On sent ici la présence de Beck, l'artiste dont l'état d'esprit paraît d'ailleurs être le plus proche de S. Malkmus.

Evidemment ce genre de disque ne plaira pas à tous: une apparence de dilettantisme dans la construction, une absence quasi-totale de testostérone, pas une once de virtuosité affichée, juste une sensibilité fragile... et des compositions qui parlent au coeur et à l'âme.


Le grand Stephen est revenu, c'est l'été dans la tête.

http://www.npr.org/2011/08/14/138957392 ... or-traffic
et
http://stephenmalkmus.com/

[Atlante]

Lever de brumes et un voyage pour chaque histoire, au fin-fond des USA, avec Richmond Fontaine. Le quatuor + Deborah Kelly (belles interventions vocales) erre toujours dans le continent intérieur pour en ramener un album, album-souvenir, "The High Country".

Typé folk, mais cette guitare se fait accompagner par des voix vaporeuses perdues dans les grands espaces. Les plages de cruising à vitesse au long court sont interrompues par des rencontres citadines dans lesquelles le rythme s'accélère et retrouve des accents rock. Cet album entre à mon avis beaucoup plus dans la nature-même, à moins que ce ne soit l'inverse, que les précédents, plus classiques dans leur approche folk.
Difficile de ne pas imaginer le tableau de bord et les paysages qui défilent au-delà. Tout commence par un inventaire fatigué de la vie sédentaire, avant de s'élancer dans le jour naissant et encore flou. Sortie de la grande cité, direction les reliefs lointains et les constructions dispersées le long de la route.
Un disque qui évoque irrésistiblement le film Into the Wild pour son histoire personnelle et ses rencontres de paumés magnifiques, pour ce renoncement aux valeurs du triomphe entrepreneur. Pas pour rien que ce groupe est proche de Calexico dans l'état d'esprit, seulement ici le désert frontalier est remplacé par les sommets de l'ouest américain: "On a spree" ressemble d'ailleurs au morceau "Si tu disais" de Calexico/Françoiz Breut.

Le disque qui vous rappellera le voyage que nous n'avez jamais fait dans l'Amérique profonde, humaine et naturelle.  Une oeuvre-hommage aux Etats-Unis dans laquelle le statut de grande puissance fait place à une universalité affective, une douceur inhabituelle.

Pour moi le meilleur opus de Richmond Fontaine.

Abandon triste ici: http://www.youtube.com/watch?v=JwqXWeE-9Ew
extraits là: http://www.amazon.fr/High-Country-Richm ... 153&sr=8-1

[Atlante]

Allez, pour rester dans un certain retour aux sources: failli passer à côté de ce Beirut. J'avoue que les précédents m'avaient plutôt laissé une impression mitigée, entre inachevé et manque de structure.
Celui-ci, "The Rip Tide" me paraît plus cohérent, plus dense et homogène.

Une homogénéité donnée par ces trompettes et cuivres divers à l'unisson, à la façon de The Go Team! (sans la frénésie débridée), comme sur l'ouverture "A candle's fire". Claviers synthético-vintage et accordéon, aux sonorités charnues, tandis que Zach Condon évoque parfois John Grant pour cette façon de chanter en partant à l'assaut des sentiments sans tir de barrage musical ("The peacok" entre autres). Une coloration sonore bien appuyée par la réussite des mélodies et des ambiances, plutôt dans le registre mélancolique.

Romantisme affirmé tout au long du disque, apaisé et apaisant, en valse lente ("Payne's bay") ou en contemplation ("Goshen").

Pas mal du tout quoi.



et extraits: http://www.amazon.fr/Rip-Tide-Beirut/dp ... 937&sr=8-1

[Atlante]

Route plein Ouest, loin des métropoles du Nord Est et des Grands Lacs, en plein coeur des USA bien sûr.
Petit drapeau étoilé sur la lunette arrière, vitesse raisonnable sous cruise control, lunettes de soleil et bitume plus poussiéreux que celui du parking du drugstore.
Une voix, une guitare, un piano, un banjo, un harmonica; c'est bon on est raccord. Tant qu'à faire un p'tit groupe bien de chez eux, Blitzen Trapper, avec un album de circonstance, "American Goldwing".

On croise évidemment du folk et des influences country sur ce chemin-là, relevés de rock à la sudiste (comprenez à la Lynyrd Skynyrd par exemple, comme sur "Crying eyes"). Pas en terrain pionnier, mais en pays connu (bien qu'ils chantent "Stranger in a strange land"), où il fait encore bon de croire en un bon vieux temps au présent.
Curieux comment cette musique si typée amerloque profonde peut nous prendre par les sentiments, à nous emporter là-bas comme si c'était chez nous. Dans le genre un excellent disque, sans trous dans la chaussée mais embellie de bleus à l'âme.

Les Blitzen Trapper sont loin d'en être à leur coup d'essai, mais j'ai trouvé leurs précédents albums trop typés folk-country à mon goût, sans cette inclusion rock qui donne un petit coup de fouet au plat. Un bon point pour "American Goldwing" donc.



et: http://www.amazon.com/American-Goldwing ... 4&sr=301-1

[Atlante]

Feist à nouveau, par sa voix fêlée et sa féérie personnelle, nous sort l'album "Metals".
Si la voix est reconnaissable dans la seconde, les arrangements, les mélodies et les battements ont évolué depuis le précédent opus.
Quelque-chose de plus sombre (ex: "The bad in each other", ou "Graveyard"), de plus inquiet, de toujours intime. Une douce amertume, comme dans "Bittersweet melodies" justement. Des compositions qui explorent l'instabilité et les sonorités tactiles comme dans "Undiscovered first", à l'image d'une Fiona Apple dont Feist me paraît proche par l'esprit. Des compositions qui abandonnent la légèreté et la fluidité pour l'incertitude dans le rythme aussi.

Le genre de disque à écouter en se laissant complètement immerger dans son écoute, débarrassé des lourdeurs du corps et de toute source d'inattention parasite.

Au final un disque qui ne joue pas sur la continuité artistique (gospel de "Woe Be" entre autres), mais qui fait mouche avec les mêmes belles qualités de sensibilité et de chant de la Canadienne. "Metals", mais rien de froid ici.

http://www.listentofeist.com/metals/
et
http://www.amazon.fr/Metals-collector-D ... 999&sr=8-1

[Atlante]

Björk crée ses planètes musicales depuis assez longtemps déjà, là elle est passée à l'invention d'une véritable galaxie imaginaire, sur "Biophilia".

Ceux qui n'aimaient pas l'Islandaise ne l'en aimeront probablement pas davantage, bien que ce disque me soit apparu comme plus "accessible" que les derniers.
On retrouve le phrasé très particulier, mais avec un soupçon d'acidité en moins dans la voix, laquelle n'agresse plus les hautes fréquences dissonantes. Un disque apaisé de ce côté-ci.
Assez curieusement, alors que Björk insiste (comme toujours) sur son travail sur les sonorités synthétiques et innovantes, on entend un son très proche d'un bon vieil orgue ("Thunderbolt", "Dark matter" par exemple, lequel serait actionné par Jean Guillou). Même influence traditionnelle avec des influences japonisantes sur "Solstice". Sinon on retrouve cette propension à jouer sur les tintements et cet envol aussi improbable que poétique des mélodies, lequel me rappelle plutôt ses deux premiers albums (au hasard: "Crystalline", "Virus", "Sacrifice").

Il reste une sorte de creux au milieu de l'album, qui tourne à l'atmosphère un peu trop éthérée à mon goût, comme si la recherche de sonorités avait pris le pas sur celle de la musique ("Hollow" surtout).

Conclusion personnelle: ceux qui aimaient déjà Björk devraient quitter volontiers les pesanteurs de notre Terre terre-à-terre pour repartir en voyage de découverte vers le monde de la petite givrée. Album très honnête bien qu'il n'y ait pas l'effet de surprise souvent ressenti par le passé dans l'arrivée de ses oeuvres.

Extraits ici: http://www.amazon.fr/Biophilia-Bjork/dp ... 302&sr=8-2

[Vincent HH]

Feist à nouveau, par sa voix fêlée et sa féérie personnelle, nous sort l'album "Metals".
Si la voix est reconnaissable dans la seconde, les arrangements, les mélodies et les battements ont évolué depuis le précédent opus.
Quelque-chose de plus sombre (ex: "The bad in each other", ou "Graveyard"), de plus inquiet, de toujours intime. Une douce amertume, comme dans "Bittersweet melodies" justement. Des compositions qui explorent l'instabilité et les sonorités tactiles comme dans "Undiscovered first", à l'image d'une Fiona Apple dont Feist me paraît proche par l'esprit. Des compositions qui abandonnent la légèreté et la fluidité pour l'incertitude dans le rythme aussi.

Le genre de disque à écouter en se laissant complètement immerger dans son écoute, débarrassé des lourdeurs du corps et de toute source d'inattention parasite.

Au final un disque qui ne joue pas sur la continuité artistique (gospel de "Woe Be" entre autres), mais qui fait mouche avec les mêmes belles qualités de sensibilité et de chant de la Canadienne. "Metals", mais rien de froid ici.

http://www.listentofeist.com/metals/
et
http://www.amazon.fr/Metals-collector-D ... 999&sr=8-1

Salut Atlante,

merci une fois de plus pour cette présentation qui situe bien cette album.

Je l´écoute en boucle depuis quelque temps et j´ai vraiment l´impression de l´aimer toujours plus à chaque passage.
Le dernier coup que j´ai eu cet effet c´était, dans un autre style, avec The Mars Volta.

L´album est aussi disponible en LP. Si quelqu´un l´a acheté, je serais curieux de savoir si il "sonne" bien.

Vincent

[Atlante]

You're welcome!  

[Atlante]

Ce n'est pas du folk anglais mais c'est calme, classique et épuré: le folk de 200 Years.
Duo issu de deux formations différentes (Six Organs Of Admittance pour lui ,Magik Markers pour elle). La belle voix un peu blanche d'Elisa, auréolée d'une légère réverbération, articulant délicatement les émotions, la guitare de Ben enregistrée de près et ancrage fragile dans la technologie. Claviers à l'occasion.
Poésie urbaine et ode à la nature, présentation arty et introspection.

"200 Years", durée inhumaine pour que les souvenirs et les oeuvres de nous s'éteignent doucement dans les mémoires. Qu'en restera-t-il? Les étincelles d'humanité que nous aurons laissées, en voici déjà dix dans cet album.


Bout là:


Extraits ici:
http://www.amazon.fr/200-YEARS/dp/B0062 ... 458&sr=1-2

[Vincent HH]

Tiens j'ai trouvé ça Samedi soir.





Je cherchais ses dates de tournées et elle est déjà passé au printemps à Hamburg. Snif.

Vincent